mardi 1 octobre 2019

Enfant roi : un petit tyran en grande souffrance

Il ne supporte pas la contradiction, impose ses volontés jusqu'à la violence. Pourtant, l'enfant roi est avant tout une victime.




Enfant roi : un petit tyran en grande souffrance
Il ne supporte pas la contradiction, impose ses volontés jusqu'à la violence. Pourtant, l'enfant roi est avant tout une victime.

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Il coupe la parole aux adultes, négocie leurs décisions, impose un mode de fonctionnement en sa faveur : l'enfant roi a tout d'un dictateur. Intolérance à la frustration, aux intimidations et aux menaces, il épuise tous ses adversaires, à commencer par ses parents. Si de nombreux spécialistes assurent que l'enfant roi est rarement un « traumatisé », ils s'inquiètent des conséquences à long terme sur son psychisme, surtout lorsque son comportement devient pathologique, passant d'un enfant roi à un enfant tyran.

De l'enfant roi à l'enfant tyran

Le concept d'« enfant roi » désigne un enfant maintenu « dans l'illusion de la toute-puissance infantile » Ses symptômes sont nombreux : « intolérance à la frustration, sentiment permanent d'insatisfaction, agitation motrice, instabilité, absence totale de retenue, troubles du comportement, dépression masquée, sentiment de toute-puissance », Lorsque son état devient pathologique, il devient un « enfant-tyran », dont les symptômes « témoignent plus d'intensité, de souffrances, de désespoirs, que ceux de l'enfant roi et, au-delà des mots, s'expriment par des passages à l'acte violents »,
Dans son dernier ouvrage De l'enfant roi à l'enfant tyran, le docteur en psychologie Didier Pleux décrit ce passage de l'enfant capricieux « qui pousse à bout » à l'enfant tyran qui domine par la violence : « L'enfant roi gagnera petit à petit une série de combats familiaux, contestera les règles, les refusera, les changera et agressera quiconque voudra rétablir l'ordre. Puis il sera seul au pouvoir. L'omnipotence virera vite au despotisme. » Violences physiques et verbales, agitation motrice, intimidations, victimisation comme mécanisme de défense… Didier Pleux décrit un comportement tyrannique qui s'illustre dans un « individualisme exacerbé ». L'enfant finit par prendre des décisions qui ne lui appartiennent pas, comme le choix du repas ou du programme télé du dimanche

Un problème d'éducation, une souffrance insupportable

Mais ce petit « despote » est avant tout la victime d'un amour démesuré. « Je n'ai constaté aucune carence affective, mais au contraire une survalorisation de leur personnalité », assure Didier Pleux. Ces enfants souffrent d'un « excès de moi », décrit Didier Pleux, à défaut de l'autre, la figure d'autorité. Victimes de leur « hyper-ego », ils se construisent sans repères, dans l'échec social et scolaire.  Le docteur en psychologie prévient des effets néfastes sur l'épanouissement futur de l'enfant : « Les enfants qui n'ont pas de limites deviennent tout-puissants et très vulnérables. Il faut un changement radical de culture parce que, oui, il faut bien sûr une asymétrie dans la famille. »

L'essor de l'éducation dite « positive », qui se veut « bienveillante », aboutit à une écoute inconditionnelle de l'enfant, au détriment de son propre épanouissement. Selon les spécialistes, ne pas savoir se heurter au « non », faute d'avoir pu développer des stratégies d'adaptation, engendre une incapacité à supporter le réel. Cette frustration ou « le fait qu'une pulsion ne peut être satisfaite » – selon la définition de Freud – devient dès lors une souffrance insupportable.
Le véritable risque, n'est pas tant que l'enfant rejette la frustration en vivant dans l'illusion de la réalité, le risque, c'est qu'il y reste : « Il y a dans le développement de l'enfant une période – entre 2 et 5 ans environ – où l'enfant vit au travers d'une “pensée magique”, où ce qu'il désire ne peut qu'arriver. Il est dans ce que Freud appelait le principe de plaisir, qui prévaut sur le principe de réalité. À cette époque du développement, c'est normal. Mais si les parents ne mettent pas de limites, le principe de plaisir continuera de prévaloir sur celui de la réalité. Il dérivera alors lentement dans sa propre réalité, ce qui amène à une psychose infantile. »

Défaillance parentale

Si la carence éducative de ces enfants est évidente, comment l'expliquer ? Comment expliquer ce lien pathologique qui peut se développer entre parents et enfants ? Un adulte qui a vécu une faille narcissique dans l'enfance a nécessairement un sentiment d'abandon inconscient, qui l'empêche de mettre des limites à son enfant, parce que « s'il le brime, s'il le frustre, il projette son propre sentiment d'abandon, sa propre douleur originelle finalement », explique Aline Frossard. « Un jour, une mère m'a déclaré en pleine consultation : Ça m'est égal d'être tyrannisée, si ça peut faire du bien à mon fils ! Voyez comme le mécanisme est inconscient ! »
Malheureusement, l'effet sur l'enfant est totalement opposé à celui escompté, puisqu'il le prive de sécurité. « S'il n'y a pas de limite, l'enfant peut aller toujours plus loin, les parents n'ont plus la force de lui résister. Par conséquent, si l'enfant est plus fort que ses parents, qui va le protéger ? »
Outre la souffrance pour le petit, à la fois victime et acteur inconscient, sont à redouter des pathologies graves allant de troubles obsessionnels compulsifs à la psychose ou à la dépression. Quand bien même ces dérives ne sont pas systématiques, l'enfant roi se construira dans une confusion douloureuse entre réalité et plaisirs fantasmatiques. « L'enfant doit être reconnu, aimé, protégé, mais il faut aussi qu'il apprenne [...] qu'il y a une réalité, laquelle n'est pas forcément drôle. Ce n'est pas de la haute théorie, c'est du bon sens », rappelle Didier Pleux.